domingo, 29 de junho de 2008

contigo Mourlet


Sur Un Art Ignoré
By Michel Mourlet

Il y a un malentendu sur le cinéma. J'entends : au cœur même de l'élite qui fait profession d'élaborer ou de comprendre l'art. Une extrême confusion préside à ses jugements et à ses travaux. Un manque d'ouverture incline les uns à considérer le cinéma comme un divertissement mineur qu'on délaisse rapidement pour revenir aux choses sérieuses, telles que la littérature. Un défaut d'exigence incite les autres à peupler leur panthéon en cinquante ans d'une centaine de génies, et à découvrir une œuvre importante par semaine. Ceux-là sont les plus dangereux, car l'espèce des premiers s'éteindrait d'elle-même sous le poids du temps et de l'évidence, si elle ne se trouvait fortifiée par le peu de sérieux des seconds. Et parmi ces derniers la discorde n'est pas moins vive. Ne sachant guère ce qu'ils y cherchent, comment persuaderaient-ils d'aimer le cinéma ? Alors que les arts millénaires disposent d'un thermomètre peu à peu mis au point par les consommateurs actifs, minorité qui finit par imposer son goût à la passivité de la plupart – d'où un accord statistique sur les fins et leur réalisation – le spectateur de cinéma est livré à lui-même, jeté nu sur son fauteuil, vierge d'habitudes et de lois. Il lui faut parcourir chaque fois tout le chemin, réinventer les tables de valeurs, tandis que l'Amateur de Musique ou de Poèmes, délivré par les siècles du souci de juger, se laisse aller de confiance à son plaisir. Il n'est plus porté par la culture à une révérence dont le temps à fixé le protocole, cette culture au contraire entrave sa compréhension d'un art qui pour posséder ses ressources propres doit nécessairement ne pas relever des mêmes critères intérieurs (1) que ceux dont elle nous fournit le modèle. Le spectateur de cinéma tire de lui-même exigence et lucidité, il se forme et mûrit seul au contact des œuvres ; pas de tricherie possible. Le cinéma est un puissant révélateur. D'où la mêlée et le vacarme qui étonnent parfois chez les habitués des salles obscures, où le passif et l'actif divisés en mille partis contradictoires ont même puissance de voix. Comme néanmoins des lignes de partage se dessinent, une majorité l'emporte, et c'est naturellement celle de l'immobilité la plus myope.

On se propose d'esquisser ici une analyse de la res cinematographica considérée dans son être et sous les préjugés qui la masquent. Le cinéma naît à peine, il se cherche et nous le cherchons, il prend lentement conscience de lui-même à travers ses avatars. Cet art est celui qui exige le plus de disponibilité, de souplesse, celui dont le dieu adoré la veille doit pouvoir être renié le lendemain. Imaginons le spectateur idéal au bord de l'écran, monstre d'innocence et de rigueur...

(...)

Et pourtant, que le cinéma soit une sensibilité insensible, un regard impassible sur le monde, ce caractère a pu épaissir encore, s'il était besoin, le malentendu qui veut faire de l'art un reflet passif de l'intégrale réalité, alors que précisément cette activité est née du besoin de la réformer, de se réconcilier avec elle. Placer l'homme devant l'image d'un monde qu'il espérait exorcisé par le moyen de cette image (sinon, pas besoin d'image, le monde suffit) est le projet contradictoire du "réalisme" (1). Zavattini représente ce projet à son état d'absurdité explicite, le documentaire d'une médiocrité, quatre-vingt-dix minutes pour rien, car ce n'était pas la peine de louer un fauteuil d'orchestre pour voir ce que la rue nous offrait avec le mérite d'être réel.


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